Autonomie … Confiance … Contrôle

Regards croisés managers / collaborateurs

Il m’est déjà arrivé, en tant que manager, de me dire intérieurement de mon propre manager :

« Mais quand est-ce qu’il va se sécuriser ? Gérer son stress ?Arrêter de vouloir tout contrôler ?»

Et de continuer à avancer… sans avoir l’énergie, à ce moment-là, de poser les mots justes pour l’aider à le faire.

Avec le recul, je vois combien ces pensées silencieuses disent beaucoup de choses :
sur nos attentes, sur la pression que nous portons, et parfois sur ce que nous ne prenons pas le temps de nommer.

Aujourd’hui, en tant qu’accompagnante de managers, de collectifs et d’individus, je retrouve très souvent ces situations. Pas comme des fautes managériales. Comme des zones grises, rarement interrogées.

Autonomie

Côté manager :

« J’aimerais qu’il gagne en autonomie, qu’il se sécurise, qu’il prenne plus de recul. »

Côté collaborateur :

« J’essaie bien… mais est-ce que je fais comme il faut ?
Est-ce que j’ai le droit de douter ? De poser encore des questions ? »

Je me suis aussi reconnue lors de mon tout premier poste d’encadrement, dans cette idée très répandue : « Si tout le monde s’y prenait sur le terrain comme moi, ce serait parfait. » Ce n’était ni de l’arrogance, ni du manque d’empathie …
C’était une manière de faire mes preuves, avec mon propre cadre de référence… que je pensais universel. Avec le temps, j’ai compris que l’autonomie ne se décrète pas, et qu’elle ne se construit pas au même rythme pour chacun.

Confiance

Côté manager :

« Je fais confiance, je délègue. »

Côté collaborateur :

« Est-ce que je suis vraiment cru… surtout quand je doute ou que je me trompe ? »

La confiance n’est pas un principe abstrait. Elle se joue dans :

  • La manière dont on pose les questions,
  • La place laissée à l’erreur,
  • Et la capacité à ajuster son niveau de contrôle au niveau d’autonomie réel — pas supposé — de chacun.

C’est sans doute le point qui m’interpelle le plus aujourd’hui :
Comment exercer un contrôle ajusté, évolutif, sans tomber ni dans le lâcher-prise naïf, ni dans le sur- contrôle démotivant.

Contrôle

Côté manager :

« Je dois sécuriser. Il n’y a pas droit à l’erreur. »

Côté collaborateur :

« J’ai l’impression que tout est passé au crible.
Est-ce qu’on me fait vraiment confiance ? »

Je me suis déjà vue, pour sécuriser un projet stratégique un appel d’offres approchant le million d’euros par exemple, poser une série de questions très fermées, très précises, dans une logique de contrôle quasi millimétrée.
L’objectif était clair : éviter le moindre risque de perdre.

Sur le fond, c’était pertinent. Sur la forme, beaucoup moins.

C’est le regard d’un collaborateur, me renvoyant une image décalée de ma propre intention, qui m’a véritablement interpellée.
Là où je pensais sécuriser, je pouvais aussi… freiner, et je ne le voyais pas. J’ai alors réalisé à quel point le contrôle, même légitime, peut être vécu très différemment de l’intention qui le sous-tend. Et j’ai commencé à accorder autant d’attention à la façon de dire les choses qu’au contenu de mes attendus …

Quand un pilier manque, ce que chacun vit :

  • Autonomie + Confiance sans Contrôle
    • Manager : frustration, incompréhension.
    • Collaborateur : insécurité, stress, sentiment d’être seul.
  • Confiance + Contrôle sans Autonomie
    • Manager : fatigue, surcharge mentale.
    • Collaborateur : démotivation, retrait, perte d’initiative
  • Autonomie + Contrôle sans Confiance
    • Manager : vigilance permanente.
    • Collaborateur : conformité, engagement minimal

Ce ne sont pas des caricatures. Ce sont des situations très réelles, que beaucoup de managers et de RH reconnaîtront.

Ce que ces expériences m'ont appris :

Que le management n’est pas une affaire de bonnes intentions. Mais d’ajustements permanents.

Et que le regard de l’autre — collaborateur, pair, accompagnant — est souvent le déclencheur d’une remise en question salutaire.

Pour conclure :

Et si, au lieu de chercher la bonne réponse, nous nous posions collectivement ces questions :

  • Mon niveau de contrôle est-il aujourd’hui aligné avec le niveau d’autonomie réel de mes collaborateurs  … ou avec mon propre besoin de sécurité ?
  • Et si je demandais simplement à mon équipe : « Qu’est-ce qui, selon vous, vous aide à gagner en autonomie… et qu’est-ce qui vous freine ? »
  • Qu’est-ce qui, concrètement, fait dire à un collaborateur : « Là, je me sens vraiment en confiance » ?

Parce que parfois, la phrase qui reste en tête est simplement :« Je ne m’étais jamais posé cette question. »

Et c’est souvent là que commence le vrai travail managérial.